Emporté, enlevé, arraché à tout ce qu'il connaissait ou croyait connaître, dans les bras de quelqu'un dont il ne savait rien, juste un enfant et rien de plus. Il la regarda une dernière fois, cette femme dont il oublierait jusqu'au nom, dont parfois il se rappellerait son visage en songes, sans jamais savoir réellement qui elle était ou ce qu'elle avait un temps représenté pour lui. Son tout, son monde, la seule personne qui se souciait de lui, celle qui lui avait donné la vie et bien plus encore. Mais c'était sans compter sur l'homme qui voulait le récupérer, qui ne voulait pas laisser de traces, qui ne voulait pas éparpiller un héritage sans pouvoir le surveiller. Parce qu'il pourrait s'en prendre à son empire, à ses biens, à tout ce qu'il avait construit au fil du temps, et il ne pouvait se le permettre. Il ne pouvait permettre qu'un enfant se mette en travers de sa vie, des années plus tard, quand il ne serait plus cet enfant chétif qui se débattait pour retourner auprès d'une mère qui ne tournait même pas la tête vers lui. Pourquoi ne regardait-elle même pas son enfant qu'on lui enlevait, pourquoi ne posait-elle pas une dernière fois ses yeux sur lui, sur l'amour de sa vie, sur celui qu'elle avait vu grandir et qu'elle aimait ? Parce que c'était trop difficile. Elle se contentait de regarder l'homme en face d'elle, son air dur, son visage impassible. Elle l'avait aimé un temps, cet homme, elle avait apprécié le contact de ses bras et ce qu'elle croyait voir en lui. Jusqu'à ce qu'elle comprenne qu'elle n'était qu'un jouet de plus. Et maintenant, elle n'était plus rien du tout, même pas un jouet, même pas un souvenir. Juste quelqu'un qui se dressait sur son chemin.  Elle laissait les larmes rouler sur ses joues, sans bruit, parce que les cris de son fils, le son de son coeur qui se brisait, le murmure de la ville, tout cela était bien trop assourdissant pour qu'elle émette le moindre bruit. Et quand la porte claqua, ce fut presque encore pire, comme si le silence pouvait être encore plus insupportable que les bruits. Parce qu'elle savait que ce silence durerait pour toujours. Ses yeux dans les siens, elle savait. Pas besoin de mot. Pas besoin qu'elle demande. Et quand elle ferma les yeux, elle vit son fils, derrière ses paupières closes, dans les méandres de son esprit. Juste avant la détonation dont le garçon ne se souviendrait plus. Dont il ne prendrait conscience que des années plus tard. Quand ça ne changerait plus jamais rien.


Il se relevait, encore. Et les autres garçons n'en revenaient pas. Parce qu'il avait mal, ça se voyait dans son regard, ça se voyait à sa bras gauche tendu qu'il tenait de son autre main, ça se voyait à sa manière de se tenir debout, ça se voyait au sang qui coulait de son nez et sa lèvre. Mais il se relevait toujours. Alors Benjamin était allé l'attraper par le col, pendant que les autres regardaient, pendant que les autres lui hurlaient de continuer. Il l'aimait pas, ce gosse, il l'aimait pas parce qu'il était différent de ce qu'ils étaient tous. Il avait toujours cet air sur la gueule, celui du gars qui savait mieux que tout le monde, celui du gars arrogant. Et le pire, c'était sa famille, son vieux, ses putains de frères qu'il pouvait pas blairer non plus. Mais eux, ils étaient plus petits, ils pouvaient pas les tabasser comme ça. Mais l'aîné, il avait son âge, c'était facile. Et personne faisait jamais rien. Leurs parents payaient bien trop cher cette école alors personne disait jamais rien quand ça arrivait. Et puis la famille de Benjamin, elle était connue, elle filait beaucoup d'argent. Eux, ils avaient des vraies raisons d'être là. Pas comme cette famille. Il lui asséna un coup de plus, en plein sur la pommette, qui l'envoya au tapis, encore une fois. Et il vint s'accroupir à côté de lui quand il essaya de se relever encore une fois, appuyant sur sa tête de la main pour la faire retomber dans la poussière. Stay down, you fag... Et quand leurs regards se croisèrent, Benjamin sut qu'il allait pas rester par terre, comme d'habitude, qu'il allait se relever encore une fois. Parce qu'il savait faire que ça. Se relever toujours pour prendre des coups de plus. Mais lui, il gagnerait pas vraiment tant qu'il serait pas resté par terre. Alors lui, il se releva et lança son pied, qui heurta l'adolescent au sol en plein visage, le faisant se retourner sur le dos et gémir de douleur. Ça saignait encore plus, y'avait des gouttes par terre, y'en avait qui lui coulait de la bouche et il crachotait en continuant de gémir. Et cette fois, il se releva pas. Cette fois, Benjamin avait vraiment gagné. What's going on here ?! Tout le monde déguerpit au galop, ne laissant plus que l'adolescent au sol alors que le surveillant arrivait. Il soupira lourdement avant de venir le relever pour l'emmener à l'infirmerie. Il avait horreur de ramasser après que les petites brutes se soient amusées. Il avait encore plus horreur de ça quand c'était des gamins comme celui-là, parce que lui-même, il était différent des pensionnaires, de ces gosses de riches stupides. Celui-là aussi, c'était un gosse de riche. Mais pas pareil. Il y avait autre chose chez lui, quelque chose qui le poussait à l'aider quand même. How many time should I told you to fucking stay on the ground when he's beating you...? Mais ça ne servait à rien, il le savait bien. Celui-là, c'était pas le genre à se laisser battre comme ça, il était juste trop chétif pour résister à Benjamin et à sa bande. Et la tronche de l'infirmière quand elle vit le gosse et le sang, elle soupira aussi, bien sûr. Et comme souvent, aucun n'appela son père, pas la peine de l'inquiéter avec ça. Et puis le gosse risquait de se faire engueuler, ils le savaient bien.


Le bruit mat, répétitif, de la chair qui s'abattait sur la chair, sans relâche. Le sang qui gouttait par terre, dans un plic-ploc tout aussi mat. Les bruits des autres élèves, autour d'eux, presque atténués à ses oreilles. Parce qu'à ses oreilles battait son propre sang. Et avec lui l'adrénaline, toujours plus forte. L'envie de frapper encore. L'envie de rendre les coups qu'il avait reçus. L'envie de faire mal, l'envie de détruire, l'envie de hurler aussi. Jusqu'au dernier coup, parce que Benjamin ne se relevait pas du tout cette fois, qu'il se contentait de se rouler par terre. Et dans ses yeux à lui, il n'y avait aucune pitié. Pourquoi y en aurait-il eu ? Aucune raison. Il n'y avait que la froideur, l'indifférence, même pas vraiment de plaisir, juste ce jugement glacial qui fit reculer les autres quand ils vinrent pour emmener Benjamin. Parce qu'aucun d'eux n'avait envie que ce froid s'abatte sur eux, pas après les échanges de coups auxquels ils avaient assistés. Un été, c'était tout ce qu'il avait fallu pour qu'il change, pour qu'il passe du garçon chétif à l'adolescent athlétique. Pour qu'il passe de celui qu'on martyrisait à celui qu'on évitait de venir emmerder. Et il venait de le prouver. Et plus jamais personne ne vint emmerder un Rakha à la pension. Mais ce fut surtout le retour à la maison, pour les vacances, qui changea quelque chose. Bien plus que toutes les autres vacances qu'il avait connues jusque là. Parce que cette fois, son père avait vu quelque chose en lui, quelque chose d'autre que le petit bâtard qui ne savait rien faire, même pas se défendre face aux brutes qui s'en prenaient à lui. Mais ça avait changé désormais. Et ce père avait commencé à voir en son aîné quelque chose qu'il pouvait utiliser, une force dont il pourrait se servir, si il tenait assez le coup. Commencer à parler à l'adolescent, commencer à le former, commencer à l'utiliser comme il se devait. Pas comme quelqu'un qui réfléchissait, oh ça non, ça n'avait pas grand intérêt, il avait ses autres fils pour ça, pas un bâtard qu'il avait gardé pour éviter les ennuis. L'entraîner pour qu'il devienne plus fort, plus dur, plus endurant, supporter les coups, il savait déjà le faire mais les donner correctement demandait de l'apprentissage. Et il était attentif, heureux d'apprendre, heureux que son père s'intéresse à lui, même si ce n'était que pour cela, même si ce n'était que pour servir dans son business. Même si ce n'était que pour donner des coups à ceux qui ne payaient pas. Même si ce n'était que pour risquer sa peau à la place de ses frères.


Frapper dans le sac, frapper dans le mur, frapper dans les côtes...Peu importe où il frappe, ça fait mal. Ça déchire un peu plus ce qu'il a en lui. En plus de ses rêves, de ses cauchemars, de tout ce qu'il voit dès qu'il ferme les yeux et qui jouent derrière l'obscurité de ses paupières closes. Y'a quelque chose qui fait mal, quand il essaie de comprendre, quand il essaie de savoir de quoi il s'agit. Y'a quelque chose qui lui dit que c'est compliqué, que c'est difficile. Des voix dans sa tête et dans son coeur, et, au-dehors, la voix de son père, pas vraiment un père en fait, juste celui qui donne les ordres. Et il les suit. Il suit les ordres du chef, il s'en prend à ceux qui ont fait du tort au gang, à ceux qui ont osé menacer son père ou ses frères, à ceux qui veulent les arnaquer. Et à chaque fois ça noircit un peu plus ce qu'il appelle une âme. Hier c'était un vendeur d'art. Dans une semaine ce sera un client. Dans un mois peut-être encore autre chose. Mais celui qui lui fait mal là, c'est pas celui qu'il a frappé pour son père. C'est celui qu'il a frappé dans ce cercle, dans ce club, celui pour qui il a pas eu la moindre pitié alors qu'il le connaissait même pas. Il s'est battu, parce que dans son sang y'avait la rage qui montait, y'avait ces flashs. Celui-là, il l'a pris pour quelqu'un d'autre, il en est certain, mais il est incapable de dire qui. Et maintenant que tout ça est retombé et qu'il est tout seul dans son appartement, le dos contre le parquet froid, il sait pas quoi dire, sait pas quoi en penser. Parce que ça n'a rien de cohérent. Parce que ça n'a rien de normal. Il a l'impression de devenir fou, parfois, en voyant toutes ces choses. Il a l'impression qu'il peut rien faire contre ça. Alors il essaie d'endormir ce qu'il ressent. Ce soir-là, il a pris des cachets, peut-être un peu trop, pour l'aider à dormir. Mais ça fait pas taire les rêves. En fait, ça les empire. C'est incohérent, c'est sans queue ni tête, c'est délirant. Et c'est violent. L'odeur et le goût du sang dans sa bouche, la douleur d'une plaie dans son ventre, le poids des armes dans ses mains, ses trop nombreuses mains, les cris de ses victimes et leurs supplications...La mort et l'horreur, la peur et la folie, il ressent tout comme si c'était lui qui était là, comme si ce n'était pas qu'un rêve. Et comme à chaque fois, il se réveille en sueur, haletant, le coeur qui bat à tout rompre. Heureusement, cette fois, les images l'ont pas suivi après son réveil. Tout ce qu'il voit devant lui, c'est l'appartement, bien trop lumineux, il a dû dormir trop longtemps sans s'en rendre compte. Il lui faut du temps avant de se calmer, avant que son palpitant arrête de s'emporter comme ça, avant qu'il puisse enfin respirer normalement. Il a peur mais il sait pas à qui en parler, parce qu'il sait au fond de lui que c'est pas normal, que ça devrait pas arriver. Et le seul à qui il peut en parler réellement, c'est Idriss, mais c'est pas à son ami de porter ce poids. Alors il garde tout pour lui. Peut-être que le problème va s'arranger de lui-même...Pas quelque chose en quoi il croit, d'habitude, mais ça pourrait arriver. Après tout, il est souvent celui qui règle les problèmes pour son père, peut-être que ses problèmes à lui vont finir par se régler de la même manière...


Il neigeait, lourdement les flocons se déposaient tout autour. Sur l'herbe fatiguée par l'hiver, sur les arbres dénudés, sur les pierres froides du jardin, sur les fleurs coupées et rassemblées en bouquet pour l'occasion, sur ses cheveux sombres et ses épaules basses. A côté de lui, il y avait son frère cadet, plus grand que lui malgré leurs années de différence. Ils se tenaient debout, tous les deux, sur le bord de la terrasse à regarder le jardin qui se couvrait de blanc, dans le froid de ce mois de février. Son frère fumait un cigarillo à l'odeur prenante, une mauvaise habitude que le lui avait toujours reproché sa mère. Il n'y avait jamais fait attention, parce qu'il n'y avait bien que l'avis de son père qui comptait. Du moins, jusqu'à quelques années auparavant. All of that will stay between us, right ? Il demandait mais connaissait déjà la réponse, et quand l'aîné acquiesça sans rien dire, il souffla un nuage de fumée en soupirant. Il y avait un certain soulagement en lui. Parce qu'il savait que les choses allaient s'améliorer à partir de là. Plus de paternel pour faire la loi, plus de vieux pour croire que la tradition avait encore du bon. Maintenant c'était lui le boss, le cadet de la famille, son héritier véritable cela dit. Et l'aîné était libre de faire ce qu'il voulait à présent. Et par "ce qu'il voulait", Ahil entendait que son aîné s'en aille et ne s'intéresse plus aux affaires des Rakha, parce que c'était pour le mieux. Il y avait toujours eu quelque chose de bizarre chez son frère, il l'avait toujours senti, d'une manière ou d'une autre. Mais les choses s'étaient amplifiées drastiquement ces dernières années. Et ce qu'il avait fait...Ce qu'ils avaient fait, ensemble, serait plus juste, il le savait bien, au fond...Ce qui s'était passé avec leur père, ce qu'ils avaient fait, ensemble, et qui avait permis au cadet de diriger et à l'aîné d'être libre...Ce n'était que le point d'orgue de ses services pour les Rakha. What you gonna do now ? L'aîné avait simplement coulé un regard en biais à son cadet et lui avait souri, faiblement. Il n'en avait pas la moindre idée. C'était la première fois qu'il se disait qu'il n'avait plus besoin de travailler pour son père, qu'il allait pouvoir faire quelque chose pour lui, pour une fois. Mais il avait tout le temps pour savoir ce qu'il allait faire à présent, comment allait être sa vie maintenant que son père n'était plus là pour la contrôler. 


Il était souvent venu dans ce magasin, ce pawn-shop miteux de Harlem où il savait que certains revendaient leurs prises, quand il travaillait encore pour les Rakha. Il avait toujours voulu y entrer, s'arrêtant parfois longuement devant la grande vitrine pleine d'objets insolites et improbables. Il regardait tout ce qui se trouvait là-dedans, il cherchait à comprendre pourquoi quelqu'un avait eu ça en sa possession, pourquoi cette personne l'avait vendu, à qui avait bien pu appartenir tel ou tel objet. C'était toujours amusant de se poser ce genre de questions, toujours amusant de s'inventer des histoires à propos du monde et des gens. Connaître la vérité était souvent bien moins plaisant, bien moins amusant. Et c'était peut-être une des raisons qui avaient fait qu'il n'était jamais entré, qu'il n'avait jamais osé pousser cette porte pour voir ce qu'il pouvait y avoir d'autres comme trésors, cachés là, sous la poussière et le temps qui passait. Mais y'avait cette attirance étrange quand même, quelque chose qui voulait qu'il entre. Pendant des années, il n'avait pas compris. Mais il commençait à entrevoir quelque chose. Parce que ses étranges songes, ceux qu'il avait depuis des années maintenant, étaient toujours là, avec des souvenirs qu'il savait ne pas être les siens, qu'il savait ne jamais avoir vécus. Mais il ne comprenait pas, alors il préférait n'en parler à personne. Ne pas écouter ce que ça voulait dire, essayer de faire comme si il était normal, comme si il n'y avait pas cette chose qui semblait grandir en lui. En tout cas, jusqu'à aujourd'hui. Aujourd'hui, il s'était trouvé par hasard dans cette rue, devant cette vitrine, à regarder à l'intérieur de la pièce sombre, à regarder les mille et un trésors qui se cachaient là-dedans. Aujourd'hui, il avait poussé la porte pour sentir l'air fatigué et plein de poussière, plein d'histoire. Pas vraiment écouté les grognements du vendeur en train de lire un bouquin derrière son comptoir, parce que ça ne l'intéressait pas vraiment. Il se laissa guider à travers les semblants d'allées au milieu des objets, il aurait pu se croire dans le Bazaar de Stephen King et ça le fit sourire doucement. Il laissa ses doigts glisser sur certains objets, sur certains livres aux couvertures qui auraient craqué si il les avait ouvertes, il le savait déjà. Jusqu'à ce qu'il tombe sur un porte-parapluies, dans un coin de la pièce, un peu dans l'ombre. Il y avait là des cannes, des parapluies, une batte également et un manche curieux, en bois. Quelque chose en lui s'éleva, dans son esprit, pour lui dire que cet objet était intéressant, que cet objet était celui pour lequel il était venu dans cette boutique aujourd'hui. Il avait fait glisser ses doigts sur le bois, sentant une forme de soulagement apparaître, ressentant la texture de l'objet et la reconnaissant comme si il avait un jour été à lui, comme si il l'avait déjà tenu tant de fois qu'il faisait partie de lui-même, autant que son bras ou sa main. Sorti du porte-parapluies, le bois était sombre, sculpté, il y avait quelque chose de familier dans ses formes, dans les crânes, dans les détails de la petite tête. Il l'avait levé un peu pour l'observer à la lumière, sentant quelque chose dans ce bois, quelque chose dont il avait besoin, qu'il voulait, quelque chose qui réveillait une voix en lui. Quelque chose qu'il avait déjà vu dans ses rêves et les bribes de faux souvenirs qu'il savait ne pas être les siens. Quelques pas jusqu'au comptoir, quelques billets déposés pour payer et il était ressorti pour rentrer chez lui. Il avait besoin d'étudier l'objet, il avait besoin de savoir pourquoi ce bâton lui semblait si familier. Il avait besoin de comprendre. Plus que tout, c'était ça dont il avait besoin. Il avait besoin de comprendre ce qui lui arrivait.


Accepter ce qu'il est, ce qu'il ressent en lui depuis si longtemps, ce qu'il a toujours su sans pouvoir mettre de mots dessus. Il sait. Il a toujours su. Mais maintenant, il en est certain. Cet autre en lui, cette présence qu'il ressent, qui le pousse à rechercher la violence, qui le galvanise quand il se bat, qui le protège et le guide. Bhairava. Oh bien entendu qu'il le connaît, bien entendu qu'il sait les histoires antiques et mythiques de ce dieu. Et bien entendu qu'il l'a vénéré avec les autres. Mais c'est différent désormais. Parce que maintenant, il sait. Il est Bhairava. Ou du moins, une partie de lui l'est. Et de plus en plus, il le devient. De plus en plus, il laisse l'humain s'en aller. Déjà, de nombreux souvenirs se sont fanés. Déjà, il oublie sa vie, ce qu'il est. Il oublie ce qui n'est pas l'autre. Et il sait qu'il ne faudra plus beaucoup de temps avant qu'il devienne cet autre. Avant que le mortel ne s'efface totalement au profit du divin. Bientôt, Sunil ne sera plus. Il ne restera que Bhairava.