Herjan Halvardsen

l'entente d'un renâcle, dans le gouffre béant de sa genèse. un souffle, mais de ceux qui pourrait avaler le monde d'une inspiration. d'une expiration, pour l'en balayer. ils sont trois. contre des centaines, des milliers. comme condamnés. pris au piège dans un écrin d'ombres et d'hémoglobines. et chaque jour, en vint plus. virulents. infâmes. cruels. et pourtant, nulle peur sur ces traits plus si juvéniles. dans le tunnel de son poing, la chaleur boisée du manche de sa lance. et d'un rien, pour la faire tournoyer dans les airs. rien qu'un geste. un mouvement. la sureté, l'assurance, de chaque coup meurtrier. et comme toujours, il est le premier à mener la charge, un sourire carnassier bordant ses lèvres.

pas toujours commode, ce gosse aux sourcils constamment froncés, au regard renfrogné. un air animal, farouche, solitaire. pas du genre à faire des concessions, lorsque ces autres enfants s'en prennent à celui qui aussi solitaire que lui, s'imagine les rejoindre, chahuter au beau milieu d'une marelle. entouré par leurs rires. non pas moqueurs, mais admiratifs. et presque qu'il pourrait rugir, s'il en était capable, Herjan. son ire face à l'injustice. sa morgue léonine comme rempart. et toujours cette même moue indisciplinée dessinée sur ses traits, même lorsque le paternel pousse des soupirs d'exaspérations, tandis que la maternelle, elle, lui offre un sourire entendu, complice.


la stupeur. plus le moindre son ne franchis la barrière de ses lèvres. comme défendue d'en sortir ne serait-ce qu'une seule note, face à ces paysages qui se dessinent face à lui. dans la fin, l'aube renaît, à nouveau. sublime. magnifique. grandiose. elle souffle, comme le vent fait se onduler sa longue crinière de blés. s'infiltre dans le ventre des montagnes, sur la douce et lisse surface des lacs, des mers, des océans. fait chanter les arbres par le froissement de leurs feuilles. dans la mort du géant Ymir, la toile vierge de l'univers chatoie désormais de ses plus belles palettes. un monde qui n'attend que de nouveaux pas pour l'en franchir. les siens.

elle est à moi, sérieux ? presque qu'il en aurait la gorge nouée, herjan. alors que ses mains effleurent le bleu de la carrosserie sous ses doigts. elle appartenait à ton grand-père, il voulait qu'elle te revienne. avec ta mère on a eu l'idée de la retaper pour fêter la réussite de ton permis. et ça bas, sous sa cage thoracique. comme une envolée. les mots lui manquent, se font court et s'écrasent dans les limbes de sa gorge nouée. il a ce sourire. un peu gamin. stupide. ce regard bleuté gorgé d'étoiles et de novas éclatantes. t'as les clefs ? je veux l'essayer maintenant.


la lune est haute. ronde et blafarde. presque maladive, tant elle est crayeuse. et porteuse de présages. de ces nuits où les loups hurlent et grondent à l'appel de la sorgue. et cette nuit, il n'est qu'un vagabond. une haute silhouette, tactiturne, dont la cape noirâtre, déchirée, laisse son ombre dans son sillage. à suivre un chemin pavé de lanternes, là, sous l'épaisse mélasse de racines et de feuillages tortueux, dans la forêt où se trouve la völva. porteuse de ses calamités.

tout commençait par le début d'un rêve, d'une fragrance placide, mielleuse, des mets de viandes rôties dans leurs jus, dans un concert de rires hauts perchés et de choppes s'entrecroisant, instigateurs d'un brouhaha nocturne. pour finir là, quelque part près des embruns salées d'une mer agitée. des ombres écailleuses sous la surface, pour se finir en des cris d'effrois, des sanglots, le silence. son réveil par des terreurs nocturnes. haletant, baigné dans sa propre sueur froide, pour finir par déambuler dans les couloirs vespéraux, les pas brinquebalant, la vision floutée sous l'épais brouillard des tambourinements de son cœur. la gorge nouée de haut-le-cœur, pour s'effondrer, là, près d'un mur, le corps encore tremblant, comme une longue redescente, après un excès d'adrénaline. comme un retour à la réalité, après une chute aux enfers.


un sifflement fend l'air. suivis d'un éclat doré, filant tel un éclair, dans le ventre du champ de bataille. gungnir. puissante et audacieuse. comme dotée de sa volonté propre, à cette façon de revenir, filer, jusque dans la main de son propriétaire. jeune odin au sourire espiègle. l'ase qui avait décider de se jouer du sort des nornes, de la toile immaculée de sa destinée, pour l'enchevêtrer de chemin chaotiques. et que les cieux rugissent sous sa volonté. que la foudre et les éclairs pavent ses pas dans son sillage. et nul ne se fait maître de sa destinée, ni les prophéties, ni même les tiseuses de fatalités. il est dieu parmi les divins. immuable tel un rempart.

tu sais ce que ton père en pense, jan. c'est dangereux. il ne le savais que trop bien. son paternel bien trop réfractaire à toutes ses idées farfelues qu'il avait en tête. cette passion depuis toujours pour les bolides, qui lui avait valu bien des ennuis. et sa mère, elle, qui depuis toujours, jouait les médiatrices. dans le fond, il ne pouvait lui en vouloir d'être inquiet. d'être sur ses gardes. cependant, il ne pouvait vivre qu'en étant la moitié de lui. d'un être. c'était la voie qu'il avait choisi, qu'il sentais pulser dans ses veines à chaque fois qu'un moteur grondait sous le toucher de ses doigts sur un volant. l'adrénaline. la vitesse. la compétition. ces instants de gloires éphémères. et tandis qu'il échangeait cette tige de tabac entre les mains de sa mère, elle, lui tira un de ces sourires complices qu'il ne connaissait que trop bien. quoi qu'il arrive, tu sais que je serais là.


« aucune chance, jötunn, Sleipnir est le cheval le plus rapide des neufs mondes. » « très bien, parions dès lors, petit dieu. » « ma tête si tu gagne cette course, ton cheval si je suis vainqueur. » durant un instant, hrungnir frotta sa longue barbe, puis éclatant d'un rire grave, guttural. « très bien, tu as de l'audace pour un ase minuscule. » les rênes du destrier divin entre ses mains, Odin se baissa, délaissant une caresse sur l'encolure de sa robe noire, le temps de chuchoter quelques mots à son oreille. «  ne lui laisse aucun répit, tu est de loin le meilleur destrier qu'yggdrasil ait connu. »

inspire. expire. la dernière goulée âpre d'une cigarette entre ses doigts gantés, tandis que gronde le bruit des moteurs, des derniers retardataires délaissant l'empreinte de la gomme de leurs pneus dans la neige. des dizaines de regards happent le sien, ceux de ses rivaux, tout aussi déterminés que lui. porteur d'une plus grande expérience. inspire. expire. et soudain, sur son épaule, le poids d'une main pour l'arracher à sa torpeur. te laisse pas déstabiliser, jan. on vas les fumer.


tw : gore, auto-mutilation.

tout drapé de noir, semblable à de ces corbeaux qui sillonne les neufs mondes en son nom, il se tiens, là, au devant de cette eau miraculeuse. ce bassin que nul n'avait jamais franchis. et elle brille sous ses yeux, à se refléter dans le nid de son regard. de cet œil unique, désormais. car dans le creux de sa main, c'est bien le deuxième qu'il tient. dents serrées, souffle coupé, sanguinolent, tremblant. mais toujours debout, l'ase. qui ne vacille pas, même alors que tout pulse et résonne à ses tempes en des tambourinement infernaux. « ô mímir, accorde moi ta sagesse. accorde moi le pouvoir de faire face au ragnarok. »

putain halvardsen ! c'était quoi ça ? presque encore sous le choc, herjan, lorsqu'il s'élance hors de la subaru, dans cette combinaison au couleur de son pays. les membres aussi tremblant que sa vision parsemées de tâches noirâtres. là, qui danse au devant de son œil. elles qui semblent presque ricaner, de la situation, tant elles se font béantes, myriades. et il presse le pas, le pilote, se fiche pas mal de ce co-pilote qui dans son dos hurle davantage. comme si courir était le seul moyen de faire partir ses tâches, comme si un brin d'air frais allait de nouveau lui rendre l'entièreté de sa vision. mais au plus il avance, plus ses pas se font lourds, plus l'air qui s'engorge dans ses poumons se fait tranchant, plus les couleurs, les formes, les paysages, s'étiolent.



l'acier froid de gungnir serait presque palpable sur la gorge d'angrboda, tout comme la tension qui s'étouffe et crispe chacun des muscles de son bras. de cette mâchoire serrée, contractée. « bientôt, vos os pourrirons avec les milliers de carcasses poussiéreuses, balayées par les vents brumeux d'helheim. et ce loup géant dont vous êtes l'adorateur, vous rejoindra, car je l'emporterais avec moi, dans le trépas. mais soyez bien sûr de cela, mon sang perdurera, pendant des générations et des générations. et mon nom, sera synonyme de légende. »

tw : hopital, dépression.

seul, dans sa chambre d'hopital. rien que les gros titres qui flottent sur l'écran de la télévision pour briser ce silence infernal. "la subaru de la légende norvégienne dans les flammes" "l'ex champion de la wrc a fait un accident" "la fin d'une carrière pour halvardsen" "le bout de la route pour le norvégien" et le poing, qui se serre, sur cette télécommande. même celle-là, qu'il ne peut voir que son seul et unique œil, désormais. bien incapable de sortir de son lit, mais assez vigoureux pour la balancer au travers de la pièce, jusqu'à l'entendre s'heurter à un mur.


des vents hiémaux grondent, alors que la plaine de vígríd est gagnée par la brume. son horizon verdoyante, disparue dans une mélasse semblable au souffle d'un dragon. la terre tremble, comme prise de spasmes sous la marche des guerriers et guerrières. les valkyries brandissent leurs lames, les einherjar préparent leurs haches et les dieux attendent, impatient d'invoquer leurs éléments. et à la tête de ce bataillon, un cavalier. la morgue revêche, d'un asgardien face à son destin. un chef de guerre, qui ne dit nul mot. seulement à balayer l'horizon de son regard hiémal, à voir cette vague de brouillard venir bientôt se fondre sur eux. ses mains tatouées attrapent ce casque d'or, surmonté d'ailes qu'il vint à faire recouvrir son crâne. sa lance entre ses mains est légère et le cuir des rênes de sleipnir est chaud, réconfortant, presque. et lorsque des ombres énormes, difformes, émerge du brouillard, il leurs sourit. d'une attente trop longtemps faite impatiente. un pas devant l'autre, pour le premier qui s'élance. gungnir brillante et étincelante, tournoyante, face à la gueule géante du loup fenrir.

pas toujours cette même fin grandiose qu'on attend d'un héros. et même si le sacrifice à ce goût amer contre la langue, la fatalité, elle, semble être un rempart que rien ne peut briser. depuis la fin de sa carrière, les illusions sont tombées et la réalité, elle s'est craquelée, fissurée. et du haut de la terrasse de son appartement, herjan, toujours avec ces cigarettes entre les doigts, lors de ces nuits pas toujours si solitaire, c'est vers les étoiles que se tourne son regard. comme un espoir, qui brille, au fin fond de l'abîme.


« J'ai vécu milles vies. Milles souffles. Des étreintes brûlantes de Sól jusqu'aux morsures glaciales de Máni poursuivis par Sköll. Des milliers de couleurs du Bifröst, jusqu'aux brumes mortifères d'Helheim. J'ai été le premier des Ases à fouler Midgard. Le premier à arpenter les multiples chemins des hommes. J'ai vu leurs gloires, leurs tourments, leurs chutes, leurs grâces. Eux, que nous avons jetés dans ce gouffre gigantesque que Jörmungand, désormais Midgardsorm, piège entre ses écailles. Tous ces héros, ces héroïnes, qui naquis des cendres d'une vie si infime, si fragile, les conduisant inévitablement à la fatalité de la mort. Eux dont les voix ont percés mon âme, tel le cri d'un millier d'Einherjar festoyant de la bataille à venir dans la Valhalle. Eux qui face à leurs destinés ont su déchirer la toile ensanglanté des Nornes. Eux, conduit par le libre-arbitre. Par la force de volonté.

Quelle erreur ai-je fait d'avoir été si orgueilleux. Si aveuglé par mes obsessions, si lâche, que d'avoir fuit mes responsabilités au profit de la quête de la connaissance, du savoir, de l'échappatoire à ce qui attend à tout ce qui vis. Je ne fait pas exception. Je suis comme eux. Soumis à ma fatalité.

L'éternité d'un paradis n'est qu'une illusion.

Tout ce qui est vivant est voué à mourir.

Mais je ne me rendrais pas sans brandir mes armes.

Ma volonté. »