un œil s’ouvre, un sourcil se hausse. surprise léthargique. merde, depuis quand s’est-il assoupi ? ça virevolte autour de lui, au milieu de la foule en effervescence. un bâillement à s’en décrocher la mâchoire alors que la brume de son esprit se dissipe, lentement. la confusion, l'ignorance, à se demander comment il s’est échoué là, sur ce fauteuil écarlate et peu confortable. d’un revers de la main, il débarbouille la face, essuie un mince filet de bave au coin de ses lèvres et passe l’autre dans ses cheveux pour y dompter leur sauvagerie rebelle, en vain. les yeux peinent à se décoller, l'un scrute la foule, l'autre fixe le vide. un garçon passe par là, entre ses mains un plateau scintillant de flûtes de champagne. le bras tendu, ambroise s'agrippe à l'une d'elles et enfile d'une traite ces bulles dorées dans son gosier assoiffé. une dose de vitamines pour le remettre sur pied, comme le jus d'orange du petit-déj. il fourre les pattes de momo dans la poche de son pantalon, ajuste le col de sa chemise et de son veston avant de s'en aller mêler sa carcasse à la foule et aux ondes iridescentes qui font vibrer son corps. et ses esprits lui reviennent petit à petit. les bacchanales des sons of empyree, l'invitation déposée sur l'autel, le baiser à la statue de glace d'un dionysos esseulé et l'envie soudaine de piquer un petit somme, juste cinq minutes. la semaine a été rude. il pense reconnaître quelques silhouettes familières dans la masse, derrière cette multitude de masques, mais c'est cette jeune femme qu'il remarque, l'air agitée, une étrange amulette entre ses mains trémulantes.

« je ne toucherais pas à ce bijou… les dieux seuls savent de quelle malédiction il a été frappé… » glisse-t-il sans prévenir à l'homme mystérieux aux prunelles électriques et captivantes qui, déjà, l'avait rejointe. le regard fébrile de la jeune femme pour preuve, celle-ci semble s'être privée de sommeil depuis de longues semaines pour fuir les cauchemars qui la hantent ; et le besoin irrépressible, désespéré, de se débarrasser de cet objet maudit… une amulette qu'ambroise ne quitte à présent plus du regard, et la mystérieuse impression qu'un souvenir rendu muet dans son esprit se débat pour refaire surface. peut-être a-t-il inconsciemment souhaité dissuader l'homme d'acheter cet intrigant talisman… pour l'accaparer lui-même. mais ses pensées sont interrompues, alors que l'ambiance vacille brusquement. soudain, le silence, à peine rompu par quelques chuchotements. la foule est encerclée. un drôle d'énergumène aux airs de gourou fait son entrée sur scène et prend la parole. les mystères de bacchus. du mythe à la réalité. ambroise fronce les sourcils, confus. « j'suis pas sûr de comprendre… », marmonne-t-il. l'entourage aussi est mitigé, ça siffle, ça souffle, ou ça s'échauffe. mais il ne perd pas le nord, s'empare de deux grandes boissons aux effluves éthyliques sur le plateau d'un serveur figé par la situation, et tend l'une d'elles à son nouvel ami. sourire niais sur les lèvres qui déjà sirotent le breuvage. et le regard qui, maintenant, pétille, et papillonne entre la mystérieuse amulette et la scène.

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les bacchanales

concerné.e.s :   @Jezabel Savtchenko

bacchus est l’amant parfait - du moins sa statuette à l’entrée l’était. les lèvres déjà posées sur sa bouche glacée, galilah l’embrasse comme si le divin allait se réveiller. vêtue d’un masque beige traditionnel recouvert de plumes aux extrémités, elle défile finalement en roulant des hanches dans sa longue robe satinée. entre un public complètement défoncé et les friands de petits gâteaux, elle parvient à se saisir d’une coupe de vin. derrière son déguisement, ses iris s’aventurent de silhouettes en silhouettes — des têtes qu’elle connaît de loin, d’autres jamais vues. son regard termine sur un individu qui venait de pénétrer dans les lieux tel un prince. attirée par son charisme et la curiosité, elle tente de se frayer un chemin parmi les encerclés.

« … passer nos héro·ïne·s du mythe à la réalité ». tout se mélange dans la tête de la belle ; perturbée par ce discours truffé de sous-entendus, elle termine de boire sa coupe d’une traite en pensant que ce vin béni serait la réponse à tous ses malheurs. cette double-identité qu’elle tente de percer depuis quelques années, cette fâcheuse tendance à admirer son reflet et à attirer tout ce qui bouge rien qu’au toucher. serait-elle cinglée une divinité ? elle secoue la tête et détourne les talons jusqu’à ce qu’elle percute de plein fouet des… boîtes bien fermées dans lesquelles étaient logées des tonnes de petits fours. désormais à ses pieds, la jeune femme se baisse pour en saisir une avant de reluquer l’incommodée : « c’est pour une association ? » dit-elle avec ironie. finalement, elle comprit par le visage rougi de la rouquine qu’elle n’était pas sobre : « fais plutôt attention à toi » et qu’elle semblait fuir la cérémonie : « dis moi… tu le connais celui-là ? elle pointe de son index maquillé d’un vernis rose l’homme au centre de la pièce. il dit des choses assez intéressantes, pas vrai ? alors pourquoi tu cherches à te barrer. ». cette situation ne plaisait qu’à galilah pour les connexions qu’elle s’imaginait entre celle-ci et ce dernier ; sans doute en savait-elle plus que d’autres — ou pas.

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