Circé la magicienne

Rosée au goût métallique, éveillée d'un songe d'été bourdonné par la masse grouillante de milliers d'ailes iridescentes. Chevelure de blé et de racines, linceul de feuilles mortes collée à ses membres frêles et tordus, paumes tournées vers le ciel de doigts au vernis écaillé. Il y a du sang sur son pull rose pastel, les mailles de sa manche effilochées jusqu'au coude. Il y a du sang sur ses genoux éraflés et sur le côté de son crâne effondré, une couronne de violence que renifle avec intérêt un puma affamé.

Personne d'autre pour accueillir son réveil, cette renaissance forcée dont le monde se résume aux cîmes encadrant le ciel au-dessus de sa tête. Pas même enterrée, simplement jetée là comme une bouteille de bière usée, une indésirable carcasse dont on recycle les sentiments sans même lui demander. Elle n'ose même pas bouger, préférant milles morts plutôt que cette vie qu'on lui promet de force. Même le félin s'est arrêté, semblant comprendre et attendre, terrible fatum qui s'immisce dans son repas. De rage au ventre elle crie, hurle son horreur et sa haine, s'arrachant les cordes vocales écrasées par cette main fantomatique sur sa gorge. Elle se débat, chasse cloportes et mouches, terre et végétaux venus l'ensevelir. La bête attend, observe, reconnaît solennellement l'importance de ce qui est en train de se produire. Et lorsqu'elle a épuisé toutes ses malédictions, que les souvenirs et cette dualité ont pris racine de leurs griffes dans son âme ; elle finit par se redresser.

De cette justice réclamée, elle fait son premier repas, les furies silencieuses sur son passage. Elle ne prendra pas sa vie, pas d'elle-même. Elle ne veut pas s'abaisser à la violence qu'il lui a fait subir, s'il s'est fait animal alors c'est ainsi qu'il sera traité. Un porc criant au meurtre, s'égosillant alors que la vie le quitte peu à peu sous les crocs d'un prédateur plus gros que lui. Félin par l'odeur du sang attiré, porte laissée ouverte du bout des doigts alors que l'assassin dort à poings fermés. Elle ne regarde pas le spectacle, aucune sauvagerie cathartique ne peut compenser la perte de cette vie qu'elle vient ainsi de venger.

Elle pleure, Melissa, cette existence qui ne veut d'elle que la souffrance divertissant l'humanité. Elle pleure, Circé, de cette carne empruntée qui la rappelle à la cruauté infinie des dieux.

Woman Elle n'a pas attendu que cela soit à la mode, n'a pas profité de leurs compliments et encouragements à valeur de permission pour être ; devenir. GIRLBOSS. Plus que le nom d'une teinte de rouge à lèvres à placarder sur son sourire ; la cicatrice d'un bleu à l'âme. WOMAN. Comme une maladie dont ils ont créé les symptômes, elle la cure et la plaie qui saigne à chaque rappel de violence. Elle ne déteste rien de plus que la misogynie, la jalousie et la rivalité fondée sur l'antipathie entre tous sexes. Le coeur en bouclier et la lance au poing, elle pourrait pointer du doigt à longueur de journée ceux qui désignent les autres de leurs discours rabaissant. SLUTSHAMERS. Leur arracher les yeux à ces haineux, égorger ces cochons et ces malveillants qui s'octroient le droit de clamer leur avis sur tout. Ceux qui pensent que la vie des autres leur appartient ; ces mêmes-là qui finiront par la tuer à petit feu de sa propre rage. Porcelain Elle est jolie Melissa, canons de beauté ingrats d'une société fondée sur le contrôle du privilège des apparences. Elle est mignonne Melissa, toujours apprêtée dans ses jupes et ses pull-overs, talons hauts et ses robes qui laissent voir sa taille bien menue ; parce que god forbid qu'il en soit autrement. Des pastels à gogo dans sa garde robe et pourtant c'est une couleur primaire qui domine la majorité. Elle aime le rouge, toutes les teintes de carmin et de vin qui se voient flagrantes comme sur neige, blanche colombe au camaïeu organique sur son plumage. Pas la couleur de la passion non, celle de la vie, des entrailles. Viscères en Chanel ; écorchée sur cintre, sa carcasse à la fois vaisseau, arme et refuge. Corps brisé, cabossé, dégoût insurmontable qui la prend lorsqu'elle se trouve dans sa peau tout ce qu'elle n'est pas. Trop petite, trop grosse, trop maigre, trop pâle, pas assez pâle, trop féminine, pas assez féminine. Reflets inexorables de tous ces yeux qui se permettent de la détailler, vulnérabilité mal assumée quand elle ne tient plus de les filtrer. Objectifiée à en casser des miroirs, lorsque parfois elle préfère se maquiller dans le noir.
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