C'est pas une soirée spéciale. C'est presque jamais des soirées spéciales, en fait. Pas avec lui en tout cas. Il s'est juste rendu aux abattoirs, pousser par cette envie, par cette voix, par ce qui grandit en lui et qu'il est bien obligé d'accepter de plus en plus. Parce que c'est comme ça de toute façon. Ça sert à rien de lutter. Enfin. Lutter contre lui en tout cas. Contre ceux qu'il va cogner ce soir, là déjà, c'est bien plus amusant. Et satisfaisant.

Il met pas très longtemps à aller jusqu'au repaire Gansevoort, pas beaucoup plus à rentrer. Parce qu'on le connaît. Habitué, combattant apprécié, vainqueur qui perd pas souvent la face. Les gens se lasseraient presque. Mais il s'en fout, c'est pas pour ça qu'il vient. Pas pour eux. Même pas pour les paris. Peut-être un peu pour l'argent. Quoi qu'il n'en manque pas vraiment non plus, quand il y réfléchit.

Nope, c'est pour moi que tu viens. Tu le sais. Je le sais. Reste plus qu'à informer tout le reste du monde. Enfin, t'es pas encore prêt pour ça. Laisse moi juste la main et amusons nous, tu veux ?

Il secoue la tête, pour essayer de chasser la voix. Pour la faire taire. Même si il sait bien qu'il va devoir laisser la main, qu'il va devoir se faire plus petit. Parce qu'elle a raison, cette voix, c'est pour le laisser se défouler qu'il vient. Mais il y a le temps. C'est pas pressé. Et puis il sait même pas contre qui il va se battre, qui il va cogner. Y'a le temps qu'il se dit.

Jusqu'à ce qu'il le voit. Le grand couillon nordique là. Un petit sourire sur ses traits. Parce que le voir là, ça veut dire qu'il va avoir un peu de compétition. Un peu de challenge. S'amuser contre quelqu'un qui a pas peur et qui renonce pas facilement. Et ça, c'est le pied.

Alors il fend ce qui passe pour une foule, même si c'est encore honnête. Tout le monde est pas forcément là, tous les parieurs sont pas encore en train de jouer l'argent de leur loyer. Et il l'interpelle, toujours le même sourire sur les traits.

Envie de se faire mal ce soir ?

Petite bourrade d'épaule, geste qui se veut plus ou moins affectueux. Plus que moins. Parce que c'est un ami. Parce que c'est cool de partager avec lui. Parce qu'il aime bien se sentir proche de quelqu'un qui le comprend. Quelqu'un comme lui.