America Fuckyeah De la joie de vivre au pays du gras et des excès, créature au ventre sans fond que la faim tiraille constamment. Toujours à mâchouiller quelque chose, avaler son dû et même celui de son voisin. Il a la dalle Lars, une tripe de vide qu'il comble comme il peut, boulimie chronique qui rendrait n'importe qui d'autre malade. Des fois il se fout à terre, son docteur prêt à démissionner à force de le voir enfiler les cubes de sucre, veines riches à exploser de problèmes en tous genres. Il y a l'alcool aussi, la clope et le malaise qui finiront par lui faire un vrai trou dans l'estomac. Mais il s'en fout Lars il bouffe, il fume, il boit ; il vit à en crever. En crèvera. Good men Il était flic une fois, il y a mille ans. Il était doué même, avait toujours réussi à esquiver les mises à pied pour insubordination. Et puis comme tous les flics il a fait face à l'enquête de sa vie, le genre dont on ne parle qu'au plus noir de la nuit autour d'un verre. Rien d'original, juste un gamin enlevé sur le chemin de l'école. L'enquête qui avance bien mais qui tourne forcément mal, le gosse pas retrouvé à temps. Tout ce dont il se souvient c'est d'avoir traversé une vitre au quatrième étage avec le coupable et qu'ils en sont morts. Enfin, pas exactement dans son cas, sinon il ne serait plus là pour s'en vanter. Bad Men  Il a sérieusement merdé Lars, une erreur qu'il paiera toute sa vie, pas la première ni la dernière. La faute au loup ou la faute aux résidus justiciers misérables de l'hôte qu'il est venu ronger jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien. Il essayait d'être une bonne personne, aussi risible que ça soit il essayait vraiment, la vie et la liberté qui lui avait été donnée subitement une bonne idée de conduite à suivre. Mais le fait est qu'il n'a pas pu s'arrêter ce soir-là, il l'a tabassé ce type, l'a frappé encore et encore jusqu'à ce qu'il ne respire plus. Et qu'importe ce badge à sa veste, qu'importe les règles et l'humanité qui auraient dû prévaloir. Il a tué ; première et pas dernière mais celle qu'il est incapable d'oublier. Une rage folle qui le terrifie encore, incomparable avec celle qu'il sait invoquer à froid. L'énergie du Ragnarök, toute sa nature libérée pour une raison qui lui paraît aujourd'hui si humaine et futile, voire même inadéquate avec son grand rôle dans la mécanique de l'univers. Un homme mort de ses mains, un mauvais homme certes, une pourriture de salopard même. Il l'avait bien mérité, si c'était à refaire il ne le regretterait toujours pas. Mais elle lui a coûté cette erreur, peut-être pas autant qu'elle aurait dû. Privilège du flic blanc au parcours impeccable, homicide au deuxième degré, quinze ferme et parole au bout de dix. Et Fenrir de retourner dans une autre cage, ironie d'une apocalypse retardée. Ultraviolence Outre la nourriture, c'est principalement le chaos qui le maintient en vie, la violence et la destruction. S'il a dû faire vache maigre le temps de son emprisonnement, il aurait pu tomber sur pire contexte pour voir s'écouler ces longues années d'un fleuve pas tranquille. Il ne supporte pas le calme Lars, le silence et l'inertie le tuent à petit feu. Toujours la musique ou la télévision à fond, toujours à gueuler ou chercher l'embrouille. C'est une seconde nature, un besoin vital : pour être en bonne santé rien de mieux qu'un bon crochet du droit. C'est tout naturellement alors qu'il a atterrit chez les Gansevoort il y a six mois, attiré par l'effervescence de la capitale. Être payé pour donner des gnons et les recevoir, le rêve pour quelqu'un à l'ultraviolence chronique. Fenrir la bête sauvage, jamais plus heureux que lorsqu'il fait cracher ses tripes à d'autres, jubile et s'amuse de sa propre brutalité dans l'arène comme le grand méchant loup qu'il est. Deer Lady Elle traîne dans son sillage, comme la proie qui cherche le prédateur au lieu de le fuir. Bambi qu'il l'appelle à force, sa présence qui semble toujours suivre la sienne à la trace. Au début, il a cru qu'elle venait pour le bouffer. C'est de ça qu'elle se nourrit après tout, les mauvais types, ceux pas fréquentables, un peu dans son genre. Pourtant elle ne l'a pas encore croqué, elle ne lui a pas encore fait regretter d'être le salopard qu'il est. Plus de quinze ans qu'elle apparaît dans sa vie périodiquement, avec la discrétion qui la caractérise et lui de ne jamais vraiment comprendre ses intentions. Curiosité, fascination réciproque, même l'une des rares visites qu'il a jamais eues en prison. Des fois il rêve qu'elle est là à des moments clés : le jour de son éveil au milieu des morceaux de verre et des os cassés, lors de ses plus gros combats entre la sueur et le sang. Souvent il la pourchasse sur les plaines oniriques le loup, la dévore, pas toujours de la même manière ni au sens premier. Elle est l'un des seuls numéros dans son téléphone portable, entre celui de la pizzeria et du restaurant thaï. Existential Crisis Il est loin d'avoir inventé l'eau chaude, pourtant cela ne l'empêche pas d'avoir des questionnements qui occupent profondément son esprit. Et pas seulement de la théorie des ananas sur les pizzas et de s'il faut mettre le jelly avant le peanut butter sur les toasts. Non, il s'instruit Fenrir, il passe son temps à lire des livres sur des sujets en tous genres, même s'ils sont parfois trop compliqués pour lui. Tant pis s'il en vole la moitié à la bibliothèque en oubliant de les rendre, le reste de sa collection composée de romans à l'eau de rose qui appartiennent à une certaine Suzanne, la vieille dame qui a laissé une partie des cartons dans son garde meubles. Et lorsque c'est trop calme pour lui il lit à voix haute, se fait le petit théâtre grandiose des intonations, des tragédies et autres monologues de papier. Il raconte les histoires aux murs et aux ombres du jour lorsqu'il n'a pas la gueule trop défoncée par les hématomes. Ça l'amuse, ça lui remplit la tête d'autre chose que le doute et l'estomac d'autre chose que la faim. Il est une question qui reste sans réponse pourtant, une que les livres ne connaissent pas sans lui réciter toute son Edda poétique. Depuis sa réincarnation, depuis sa faculté de penser avec ce petit cerveau humain, il s'interroge sur sa nature. Est-ce qu'il y a vraiment une fatalité dans ce qu'il est et dans cette fin qu'il est censé apporter au monde ? Est-il mauvais ou est-ce tout le reste ? Parfois il y pense ; et parfois il préfère conclure qu'il aime les ananas sur les pizzas. Freaky Family  Sacrée famille qu'il se colle, fratrie toute aussi monstrueuse et père aux milles facéties. Autant dire qu'il n'a pas particulièrement eu l'occasion de les connaître, ces mythologies de proches, tous ceux qui redoutaient bien trop son nom. Même son borgne de grand-père, il ne le connaît pas vraiment dans le fond, destin qui les enjoint tous à une même fin sanglante et pourtant il se souvient à peine de leurs visages. Il les a cherchés un temps, premier instinct à sa réincarnation, mû par un rôle inscrit dans son âme. Il n'avait rien d'autre que cette mission après tout, émissaire d'une hécatombe qui n'a de sens qu'en présence de ceux qu'elle désigne. Alors il s'est perdu, a abandonné cette quête futile. Bon débarras qu'il s'est dit, qu'ainsi il était vraiment libre, personne pour l'enchainer ou le narguer de sa main agitée sous son nez. Et s'il ne peut s'empêcher parfois d'y penser, de scruter la foule à la recherche d'une quelconque essence divine qu'il se prétend capable de renifler par fierté ; il est seul plutôt que mal accompagné Born to be wild S'il n'a que peu de possessions, il y en a au moins une dont il est fier. Sa moto comme la prunelle de ses yeux, pas qu'elle ait beaucoup de valeur, si ce n'est celle de l'escroquerie par laquelle il l'a obtenue. Pas du vol, pas vraiment, il avait juste parié avec l'autre type qu'il le mettrait K.O d'un coup de poing. Forcément qu'il n'allait pas mentionner son avantage surhumain en la matière. Elle est un peu moche sa bécane bien sûr, d'une couleur jaune passé avec des reliefs orange écaillés. A vrai dire il s'est sûrement fait arnaquer lui aussi sur la qualité de l'échange mais allez savoir pourquoi il ne veut pas l'entendre. Peut-être que c'est le fait de pouvoir se déplacer à sa guise, la liberté de partir quand l'envie s'impose. Crinière dans le vent, gueule qui prend l'air et une sensation d'infinie revigorante. Les vikingr avaient les langskip, l'Amérique a les Harley ; l'ouroboros ainsi bouclé. Dog Days  Il a de forts instincts pour sa race et leurs cousins, aussi monstrueuse que soit sa nature originelle il reste un canis lupus. Sauvage et pourtant domestique, il n'est pas rare de le voir embarquer des sacs de croquettes de dix kilos sur ses épaules pour aller nourrir les clébards errants du quartier. Si on lui demande il dira très sérieusement que c'est pour retarder l'échéance, que s'il ne le fait pas ils se rebelleront contre leurs anciens maîtres et viendront les bouffer dans leur sommeil. La mère-grand au bout de la rue a déjà appelé la police plusieurs fois face à cette menace et au tapage qu'une floppée de chiens aboyant tous en même temps peut provoquer. Mais Lars il s'en fiche, il joue avec les abandonnés, les oreilles coupées et les museaux tordus. Il se sent comme eux de toute manière, pas entièrement homme ni totalement animal. Des réflexes canins qui en seraient mignons s'ils n'étaient pas étranges aux yeux des non initiés. Curiosité maladive, maladresse et impulsivité, s'il ne peut plus hurler à la lune il sait toujours beugler plus fort que le reste de la meute. Et dire que le Ragnarök pourrait être évité si quelqu'un lui disait ce qui est ; good boy. The End La fin des temps il y pense souvent, pulsions toujours plus ou moins présentes à son esprit. Il y a la violence bien sûr, le chaos nécessaire à sa survie de tous les jours, la jubilation du sang et de la douleur. Mais Ragnarök c'est différent, c'est une attraction et un sentiment qu'il a du mal à identifier ou nommer. C'est une présence à part entière, visions de mort et de désolation qui s'invitent à son esprit sans s'annoncer et le tourmentent haut en couleurs. La destruction comme un deuxième hôte dans ce corps déjà trop petit, une entité douée de ses propres intentions. Elle est le murmure constant à son oreille, la mauvaise conscience qui sait se faire si charmante et compréhensive. Parce que ce monde est pourri et mérite d'être réduit en cendres pour mieux recommencer. Le Ragnarök présent dans chaque décision regrettable qu'il prend, tapis, attendant son heure. Comme un trou dans la poitrine, néant qui se remplit pourtant, autosatisfaction ; auto-destruction. Et dans les moments d'oubli ou il la sent courir dans ses veines comme une addiction, une frénésie qui lui enlève toute sympathie, tout espoir. Dans ces moments-là lui-même a peur de ce qu'il adviendrait du monde s'il se laissait juste un tout petit peu glisser. Ce qu'il adviendrait de lui, égoïste instrument annonciateur du jugement dernier qui prétend transcender son rôle.